Prey(dator) : Un chasseur sachant chasser…

Prey, c’est le prochain opus des aventures du plus célèbres chasseur aux dreadlocks de l’espace. Attendu pour août, ce film est à sa saga ce que Far Cry Primal fut à la sienne : une prise de risque. Mais pas dans le bon sens.

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Prey

Années 1980

Haaa… les 80’s. Nous sommes à une époque où ces années sont marquées par une nostalgie un peu rêveuse. Entre les néons, les airs de synthwave (dont je vous parlerais bientôt) et les coupes mulets, cinématographiquement, cette nostalgie est tout à fait à propos. Si aujourd’hui des oeuvres se revendiquent à l’ambiance des 80’s et des 90’s, elles n’en ont cependant pas le cachet.

Predator, sorti en 1987 avec un casting de malade et John McTiernan derrière la caméra, est un film qui tient aujourd’hui d’un génie reconnu et que personne n’avait vu venir à l’époque. Démarrant comme un film d’action typique des années d’or d’Hollywood, qui plus est avec un Schwarzenegger au sommet, on y voit un commando de soldats invincibles enchaînant les morts, se moquant des blessures et ne craignant, le tout dans une jungle étouffante et visqueuse avec en fond des punchlines que vous ne verrez plus jamais dans le cinéma d’aujourd’hui.

T’as pas une gueule de porte-bonheur…

Le génie de Predator premier du nom tient dans sa façon de guider le spectateur en lui faisant croire que l’exposition (la phase pendant laquelle on donne le propos et qu’on l’approfondit) tient dans les premières minutes de briefing où la mission est donnée et que les hommes partent en hélicoptère dans des airs de Long Tall Sally, une musique bien rock de Little Richard, enfonçant au passage l’image d’Épinal de l’hélico au-dessus de la jungle sur de la musique rock.

Le but ? Montrer une décontraction d’une mission certes importante, mais néanmoins routinière. Mais une fois cette mission accomplie, une tension s’installe : ils ne sont pas seuls dans la jungle.

Outre les plans en caméra thermique qui sont devenus incontournables dans la SF comme marqueurs de la vision de la créature, les astuces de cinéma mises en place par McTiernan sont aussi simplissimes qu’efficaces et impressionnantes dans ce premier opus.

Si le personnage de Billy, qui est présenté comme le plus taciturne mais avec une certaine spiritualité, est le premier à sentir quelque chose, il ne sait pas pour autant quoi. Et l’astuce géniale de McTiernan consiste à faire des zooms dans la jungle et ses arbres, comme on en ferait sur un personnage ou un élément important. Le film nous dit « la créature est là« , mais vous aurez beau plisser les yeux autant que vous voulez, vous ne la verrez pas. Et c’est cette astuce qui participe pendant la première partie du film à un slowburn (une montée lente de la tension) qui explosera quand Hawkins, un personnage joué par Shane Black, se fera tué par quelque chose qu’on ne verra même pas. Et l’exposition s’arrête ici.

Le démarrage du film, l’attaque du camp par les hommes de Dutch (le personnage campé par Schwarzi), tout ceci était en réalité de l’exposition qui servait à nous montrer des personnages invincibles, entraînés et surarmés. Ils dévastent à quelques-uns un camp entier d’adversaires sans plus que quelques égratignures.

Et soudainement, quelque chose se met à les décimer. Ils ne savent pas quoi, ni comment mais ils ont la certitude que la fuite ne fera que les faire tuer. Cette chose qui les traque est déterminée. Rien n’y fera cependant, ils seront tous tués jusqu’à ce que seul Dutch reste dans les dernières minutes. Désarmé et blessé, il devra s’adapter pour survivre et redevenir un animal avec des instincts primaires pour l’emporter sur son prédateur qu’il ne tuera qu’à grand peine.

Si le film partait à la base d’une blague et qu’il aura comme tout bon film jouit d’un tournage et d’une post-prod tenant plus d’un des douze travaux d’Hercule, il marquera l’histoire du cinéma, en grande partie grâce à Arnold Schwarzenegger mais aussi par la musique mythique de Alan Silvestri et surtout par sa créature, créée par Stan Winston (un mec pas du tout connu dans le milieu) : le Predator. Et forcément, qui dit succès dit suite.

Predator 2, AvP & Predators

Predator 2 sort donc trois ans plus tard en 90 et cette fois, point de soldat mais des policiers, le gouvernement et une grande ville : Los Angeles. Danny Glover campant Mike Harrigan en tête, avec Gary Busey et Bill Paxton (faisant de ce dernier non seulement un acteur de folie mais aussi le seul à avoir été tué par un Alien, un Predator et un Terminator)mais surtout, Kevin Peter Hall, le géant se cachant sous le costume du monstre.

Le Predator revient en grande forme pour chasser dans une ville crasseuse et transpirante en plein été, déchirée par la guerre et le crime. Si Stephen Hopkins derrière la caméra fait un excellent travail, sans être marquant, Predator 2 est une bonne suite. Et c’est de cette suite, ou plutôt du clin d’oeil qui est fait dans cette suite que la saga va continuer.

En effet, après avoir vaincu difficilement le Predator, Harrigan se voit récompensé par un pistolet de pirate par l’un des Predators pour sa victoire honorable, mais surtout, les fans noteront sur un mur des trophées présent dans le vaisseau Predator, un crâne d’Alien. Si les crossovers sont monnaies courantes, il faudra néanmoins attendre pas loin de 14 ans pour revoir la créature sur le grand écran.

Sorti en 2004, Alien vs Predator, de Paul W.S. Anderson, est un sujet quelque peu polarisant. Décrié par certains, aimé par d’autres, le mythe de la créature demeure néanmoins respecté selon moi et c’est bien là tout ce qui m’intéresse.

Enfin, la suite, Alien vs Predator : Requiem, réalisée en 2007 par les frères Strause, me laisse bien plus circonspecte. Je ne comprends pas comment ce projet a pu être approuvé. Outre le fait que les frères Strause ne fassent que de la merde sans queue ni tête (et encore pas uniquement dans ce film, dans littéralement TOUTE leur filmographie), ce film est objectivement un mauvais film : mal éclairé, mal monté, mal écrit, mal réalisé.

Et je pense que même eux l’ont compris car les deux seuls films réalisés par ce duo sont Alien VS Predator : Requiem et Skyline. Et que quelqu’un du studio de production (on parle quand même de la 20th Century Fox) ait pu se dire « ouais aller, on valide, diffusons ça« , et bien moi ça me dépasse. Alors embrayons et n’accordons pas davantage de temps à cet étron qu’il n’en faut pour tirer la chasse.

Predators, sorti en 2010, est un bon film. Globalement. Réalisé par Nimród Antal et sur la base d’un script de Robert Rodriguez, quoi que retravaillé. Créé par des passionnés de Predator, Predators se prend un peu les pieds dans le tapis du fan service comme nombre d’oeuvres aujourd’hui. Si on notera la performance d’un Adrien Brody loin de sa zone de confort, le film ne joue que sur son fan service et c’est bien là qu’il se perd : à trop vouloir faire hommage à l’original, le film en perd finalement tout intérêt. Et ça c’est sans compter un Lawrence Fishburne pas du tout à sa place et qui cabotine comme rarement.

Bon gré, mal gré, en 2018 c’est finalement The Predator qui sort et se présente comme un grand retour aux sources. C’est avec Shane Black aux commandes, l’acteur jouant Hawkins dans le premier film.

Soyons clairs, j’ai senti l’odeur de l’échec dès le départ. Le mec a réalisé ce qui est pour moi l’un des pires films du MCU, à savoir Iron Man 3 et s’il a quelques succès à son actif comme Kiss Kiss, Bang Bang, il n’en demeure pas moins que c’est pour moi un mauvais réalisateur. Pourtant le bonhomme est pas dénué de bonnes intentions, mais entre les blagues de beauf qui viennent en lieu et place des punchlines du premier opus, le super Predator entièrement en CGI, un casting oubliable et un scénario branlant, force et d’admettre que le film est tout simplement mauvais.

Étant allé le voir à sa sortie avec une amie, ce film constituait pour elle une porte d’entrée dans la saga du chasseur aux dreadlocks. Convaincue d’avoir vu sinon un bon film, un bon divertissement, elle n’a vraiment saisi l’ampleur du désastre que lorsque je lui aurais fait visionner Predator premier du nom.

Relaaaaax… J’suis en CGI maintenant

Prey ou Predator 5, c’est selon

Parmi les idées de scripts dans la panière à script de Hollywood figure un script dans lequel il était question d’explorer le passé, expliquant comment les Predators sont entrés en possession d’un pistolet de pirate qu’ils offriront ensuite à Harrigan dans Predator 2.

Tout porte ainsi à croire que c’est à partir de cette idée que le script de Prey a été écrit, puisque l’ère des pirates au sens où on l’entend s’étend sur presque trois cents ans, de 1500 à 1800 et que Prey prend place en 1719 sans parler du fait que sur le pistolet de pirate, il était question de 1715…

Le pitch ? Et bah il a tout pour faire peur à commencer par ses relents de féminisme. Qu’on fasse du film politiquement engagé, ça ne me dérange pas, mais Predator, c’est un symbole même du film d’action testostéroné de l’ère de gloire d’Hollywood, du coup, si choisir une femme n’est pas un soucis, le faire sans intelligence, c’est en revanche un soucis.

Prenez le reboot vidéoludique de Tomb Raider par exemple, sorti en 2013 et qui est un des meilleurs jeux que j’ai pu faire (l’escalade de la tour radio fait encore frémir mon coeur avec son grandiose et sa musique). On est passé à une version bien plus mature et profonde d’une héroïne moins sexualisée mais qui vivait des aventures et subissait des choses assez extrêmes. On avait pas besoin de mettre Lara en comparaison d’hommes plus fort qu’elle parce qu’on savait déjà rien qu’en voyant ce qu’elle vivait qu’elle était une héroïne forte et capable, qui n’avait rien à envier à quelqu’un dont les organes de reproductions pendouilleraient…

Prey n’a pas cette intelligence. À la place d’une méthode de show, don’t tell, on a de la bonne grosse exposition bien bourrine à souhait. « Comme l’aurait fait un mec » dirait quiconque souhaiterait frapper sous la ceinture. Mince ! Encore une analogie sexiste… Moi alors, mais vraiment…

Ici, dans Prey, la base du pitch c’est de nous parler de Naru, une indienne de la nation Comanche, qui rêve d’émancipation, brimée qu’elle est et moquée par les hommes. Et c’est évidemment sur elle que va tomber la charge de combattre le Predator, parce que elle, elle est entraînée à survivre. De là à symboliser le fait qu’elle est habituée à survivre parce qu’elle est une femme et donc a un quotidien plus rude que les hommes il n’y a qu’un pas…

Les premiers mots de la bance-annonce le prouvent très bien d’ailleurs : elle ne veut pas devenir une chasseuse pour elle, mais parce que « tout le monde pense qu’elle ne le peut pas« . Là où le message (quitte à en mettre un) qui me semblerait être meilleur d’un point de vue réellement féministe serait de dire : définissez-vous vous-même et non pas en fonction des autres.

Mais non, c’est du Disney, il faut donc fatalament un message progressiste là où le spectateur de Predator ne veut voir qu’un duel brutal et primaire entre une personne poussée dans ses retranchements et un extra-terrestre désespérément supérieur et fort.

Comme si tu faisais le poids…

Si revenir en arrière temporellement pouvait sembler être une bonne idée, on y perd selon moi le sens premier lié à Predator : la nécessité de retrouver une animalité, l’impossibilité de compter sur la modernité pour l’emporter.

Les Comanches sont une nation indienne qui vit déjà proche de la nature du fait de leur mode de vie chasseur-cueilleur, presque en harmonie avec. Du coup, le retour à une forme primale semble être une régression animale moins évidente qu’elle ne le fut pour Dutch en 1987. Avec des armes à poudre et loin des armes modernes, même de la légendaire Winchester, l’impossibilité de se reposer sur la technologie pour affronter le Predator n’est pas mise en lumière comme c’était le cas dans le second volet. Quant aux autres, ils tenait à peine du divertissement bas de plafond, alors y chercher un message…

De fait, que voit-on dans cette bande-annonce de Prey ? Des CGI mal faites, un Predator au costume particulier quand il n’est pas dans les mêmes CGI dégueulasses, un peu de misogynie pour provoquer notre empathie et nous attacher à l’héroïne et si certains plans semblent assez créatifs, ils n’ont néanmoins rien de nouveau : l’eau qui ruisselle sur le Predator invisible pour en dévoiler la forme par exemple déjà vue dans The Predator en début de film. Bref… Pas vraiment de points positifs dans cette bande-annonce.

Je trouve ça assez fou. Predator est une série sur laquelle on revient systématiquement, mais sans jamais s’en donner réellement les moyens. Suis-je emballée par Prey ? Pas vraiment. Vais-je aller le voir ? Bien sûr. Est-ce que j’espère avoir tort ? Totalement. Réponse le 5 août. Mais pas au cinéma. Non non. En streaming sur Disney+ ! Parce que vous voyez, si parfois ça a l’avantage de faire un gros doigt à la chronologie des médias, c’est aussi une façon de tuer le cinéma…

Parce que Disney, ils furent aussi fort pour bercer notre enfance jadis que pour s’acharner à la tuer aujourd’hui.

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