Star Trek : Strange New Worlds – Épisode 3 : Filigrane de demi-mesure…

Troisième épisode, troisième réussite. Strange New Worlds enchaîne le sans faute pour le moment. Il y a de véritables pépites dans cet épisode et il véhicule un message intéressant, un message digne de Star Trek !

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STAR TREK : STRANGE NEW WORLDS

Euh…(génisme)

Pour bien vous parler de ce troisième épisode de Star Trek Strange New Worlds, il faut d’abord que je vous parle un peu de la chronologie de son univers et plus particulièrement de la période des Guerres Eugéniques.

La période des Guerres Eugéniques est une période sombre de l’ère pré-distorsion de l’univers de Star Trek. Il s’agit là d’une guerre ayant pour origine l’ingénierie génétique de l’espèce humaine conduisant à la création de ceux nommés les Améliorés, dirigés par le légendaire Khan Noonien Singh incarné par Benedict Cumberbatch dans l’avant-dernier film Star Trek en date : Into Darkness (faisant partie de la trilogie de J.J Abrams que je vous recommande au passage). Les Améliorés étaient bien plus forts et intelligents que les humains et le conflit embrasa le XXIème siècle, les Améliorés s’emparant de plus d’une quarantaine de nations terriennes de l’époque. Finalement, ainsi que le dit Spockà intelligence supérieure, ambitions supérieures”, les Améliorés furent morcelés par des querelles intestines et le bilan fut très lourd avec plusieurs dizaines de millions de morts à cette guerre.

Des conséquences de cet épisode ténébreux fut tiré l’enseignement que jamais, ô grand jamais, il ne serait permis de manipulation génétique, à quelques fins que ce soit, sur l’homme. Bien plus tard cependant, bravé l’interdit étant un acte plus que tentant pour tout scientifique, un homme du nom de Arik Soong s’empara d’embryons d’Améliorés afin de les faire grandir dans l’isolement, espérant empêcher ces derniers de développer les instincts agressifs de leurs aïeux. Il se trompa et son action déclencha un contentieux avec les Klingons. Enfin, Khan lui-même, s’étant enfui à l’époque en stase à bord d’un vaisseau appelé le Botany Bay, deviendra la némésis du Capitaine James T. Kirk lui-même, achevant de convaincre la Fédération Unie des Planètes que les manipulations génétiques étaient intolérables dans leur totalité en son sein.

Soucis, voilà que dans Strange New Worlds, l’Enterprise et son Capitaine Pike arrivent au-dessus de Illyria, une planète dont les êtres ont développé la technologie de la distorsion, et sont donc selon les règles de la Fédération apte à prendre place sur le grand échiquier galactique…

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Tirer des leçons de l’Histoire

Mais les Illyriens, aussi avancés soient-ils, sont une espèce qui a bâti sa culture et son adaptation via les manipulations génétiques de ses membres. Or, cela constitue une barrière non négociable à leur entrée au sein de la Fédération. Enquêtant sur la disparition des membres d’un avant-poste Illyrien n’étant pas sans rappeler un peu les visuels de Titan dans Destiny 2, l’équipe au sol doit faire vite car une tempête ionique approche à grand pas (ou grand nuage ? Une tempête a-t-elle des pieds pensez-vous ? Après tout on dit bien qu’un moment peut approcher à grand pas alors je… bref) et qu’elle risque de les bloquer au sol, mettant leur vie en danger.

Si Una, la commandante en second incarnée par Rebecca Romjin, et le reste de l’équipe parviennent à remonter à bord de l’Enterprise difficilement, Spock et le Capitaine Pike demeurent bloqués sur place. Si on peut d’abord penser que l’épisode va alors porter sur les péripéties du Capitaine et de son ami afin de survivre à la tempête qui s’annonce, il n’en sera rien. 

En remontant à bord du bâtiment de Starfleet, Una désormais aux commandes et le reste de l’équipe se sont avérés porteurs d’un virus. Si au départ le but de la mission n’était “que” d’enquêter sur la disparitions d’un groupe d’Illyriens désirant se débarasser de leurs modifications génétiques afin de pouvoir prétendre à intégrer la Fédération c’est bien vite toute la vie du vaisseau qui sera en jeu, les questions de survie se mêlant qui plus est à des intérêts personnels de certains. 

Démarre alors une course contre la montre pour sauver l’équipage, seule Una ne semblant pas subir les effets d’un virus qui provoque un besoin irrémédiable de se baigner dans une lumière toujours plus forte. Pendant ce temps, sur la planète, Spock en profite pour étudier les archives du groupe d’Illyriens désireux de rejoindre la Fédération, mais la tempête s’approchant, lui et Pike croient apercevoir des formes de vie évoluer au sein de la tourmente ionique. 

À bord, Una fait de son mieux et décision est prise de sédater tout l’équipage afin d’éviter qu’ils ne se blessent eux-mêmes ou leurs collègues dans leur quête d’une source de lumière toujours plus forte, l’ingénieur Hemmer (dont j’apprécie particulièrement le flegme condescendant assez savoureux)  tentant par exemple de téléporter à bord du navire un morceau en fusion du noyau planétaire. Le vaisseau se retrouve qui plus est plongé dans la pénombre, car le “luminovirus” se transmet non pas par contact d’un être à l’autre, mais au moyen de la lumière elle-même.

Après diverses péripéties, La’an, la cheffe de la sécurité ayant résisté à la sédation du fait de son acsendance avec son ancêtre Khan Noonien Singh, tente de rompre le champ de confinement du coeur nucléaire de l’Enterprise. Una intervient in extremis et un combat s’engage entre les deux femmes, combat relativement plaisant à voir, bien filmé et qui n’est pas sans rappeler un épisode de VOY où le Capitaine Janeway se retrouve seule à bord du Voyager pour en reprendre le contrôle, étant l’un des épisodes les plus incroyables de la licence Star Trek, toutes séries confondues.

Au sol, Pike et son ami manquent d’être tués dans la tempête mais survivent grâce à l’intervention des êtres vivants dans la tempête qu’ils croyaient hostiles au départ mais qui s’avèreront plus tard être les Illyriens disparus de l’avant-poste. Ils récupèrent quelques archives Illyriennes qui racontent leurs derniers instants et l’ouragan ionique passé, peuvent remonter à bord de l’Enterprise qui se remet doucement de son épreuve, le Dr Chapel ayant pu créer un antidote. Lumière est également faite sur la résistance de la commandante en second Una au luminovirus et elle révèle être Illyrienne. Cela signifie qu’elle a sciemment menti lors de son enrôlement au sein de Starfleet et elle remet donc sa démission au Capitaine Pike, que ce dernier refuse évidemment, récusant l’approche dogmatique de la Fédération et de Starfleet quant aux manipulations génétiques, croyant à l’équité et non pas à l’égalité. 

[box type=”info” align=”aligncenter” class=”” width=””]Quelle différence me direz-vous ? L’égalité, c’est de traiter tout le monde de la même façon peu importe la différence d’un individu à l’autre, l’équité c’est s’assurer de faire du cas par cas autant que possible, prenant en compte le fait que tout le monde est différent et que ces différences changent la donne.
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Mais passons plutôt au message de l’épisode, particulièrement touchant pour moi, je dois bien l’admettre.

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Vous avez un nouveau message, reçu hier à…

Cet épisode, largement centré sur Una et à plus large échelle le personnage de La’an Noonien Singh tout en offrant un développement intéressant au médecin chef du navire, le Dr M’Benga qui a d’ailleurs des mots très justes en fin d’épisode.

Pike explique à son amie et seconde lorsqu’il refuse sa démission, Una, qu’une terrible erreur a été commise envers les Illyriens par la Fédération. Aveuglée par sa peur des manipulations génétiques et du potentiel destructeur d’un homme comme Khan, la Fédération a adopté un point de vue dogmatique qui la pousse à rejeter en bloc l’idée même de manipulation génétique. Si cela est compréhensible, pour Pike la Fédération commet une erreur en mettant sur un même niveau les Améliorés particulièrement hostiles connus jusqu’alors et les Illyriens qui utilisent les manipulations génétiques non pas pour dominer mais à des fins de bien-être personnel, d’adaptation et de symbiose avec leur environnement. 

Nous pouvons faire mieux et tout le monde a sa place, l’important étant de s’en donner les moyens

Personnellement, en termes de message je vois ici une critique de l’extrême gauche américaine, symbolisée par les Augmentés comme Khan, tout comme de son extrême droite, incarnée par la Fédération et son dogme conservateur. Il est reproché aux premiers de trop vouloir déconstruire à n’importe quel prix, à la seconde d’être dans un immobilisme creux. En effet, la grande tendance (et vous n’aurez pas pu la louper) c’est ce que les médias français appellent en ce moment le “wokisme”, comprenez par là un “éveil” aux problématiques des minorités ethniques, sexuelles et autres au sein de notre société.

Extrêmement agressif dans sa démarche, ce mouvement, bien qu’inhérent à de bonnes intentions, entretient les clivages, voire les exacerbe. Je le vois par exemple en tant que personne trans : une politique de communication agressive, culpabilisatrice et avec une méthodologie de la terreur, ça ne fait que cultiver la haine là où une approche plus pédagogue, informative et ouverte, si elle ne fera pas changer d’avis les plus farouches haineux, aura au moins le mérite de prouver qu’on mérite une place au sein de la société (tout comme les Illyriens dans la Fédération) et qu’il est possible d’instaurer une adaptation de chacun, un bien-être de chacun, une symbiose.

Ainsi, le message que Strange New Worlds veut nous faire passer ici c’est à la fois que ce n’est pas parce certains membres d’un groupe ont des actions discutables que tous sont à bannir, mais également qu’une approche dogmatique et une immuabilité totale et absolue n’a rien de sain non plus. Le message est que rien n’est manichéen, que tout a une nuance et que chaque chose, poussée à son extrême, aussi positive soit-elle à la base, devient néfaste.

Strange New Worlds fait du Star Trek : l’épisode met en lumière l’importance des nuances, des demi-mesures, et le fait avec subtilité, une subtilité bien rare en ce moment dans le paysage vidéoludique et surtout cinématographique, une subtilité bienvenue, une subtilité toute en demi-mesure.

Je continue de rester fidèle à mon opinion donc : Star Trek Strange New Worlds, c’est de la bombe et ça file des frissons, de la hype. La réalisation demeure impeccable, mention spéciale sur le plan final sur Una où un miroir parfaitement calé permet de refléter le personnage et mettre ainsi en lumière son dilemme intérieur par du show, don’t tell.

Les CGI restent époustouflantes et j’enchaîne les orgasmes rétiniens quand je vois l’Enterprise ou la tempête ionique de cet épisode. Et je voudrais pointer aussi les décors. L’Enterprise est magnifique, depuis son pont principal jusqu’à sa salle des machines en passant par son infirmerie, ses bureaux ou ses dortoirs, pratiquant encore du show, don’t tell à foison par sa narration visuelle, les décors d’Illyria, aussi bien extérieur qu’intérieur, en particulier la salle des archives, sont absolument sublimes. Le dépaysement est là.

Enfin, je tiens tout particulièrement à noter la magnificence absolue du générique d’introduction. Depuis The Punisher, il n’y avait pas une série dont je ne passais pas le générique.

Voyez plutôt !

Strange New Worlds me donne l’impression d’être Superman qui s’envole dans Man of Steel quand Discovery et Picard me donne l’impression d’être Captain Marvel dans Dr Strange & The Multiverse of Madness. Star Trek : Strange New Worlds me donne ENVIE de vivre dans cette série. To boldly go where no one has gone before.

Et ça en dit long.

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