Assassin’s Creed Unity – De la propagande selon J-L.Mélenchon et A.Corbière

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Assassin’s Creed, licence phare de l’éditeur Ubisoft, retrace au cours de ces 11 volets, différentes époques de l’histoire : les Croisades, la Renaissance italienne ou encore la Révolution américaine. Ce 12ème volet sorti hier et s’intitulant Unity, s’intéresse à la période de la Révolution française. L’histoire s’étend sur plusieurs décennies et nous font croiser des figures historiques comme Robespierre, Napoléon ou encore le marquis de Sade.

L’éditeur assume parfaitement les quelques anachronismes du jeu, tels que la Marseillaise chantée deux années trop tôt ou le drapeau français qui lui a 5 années d’avance. Comme le dit Antoine Vimal du Monteil, l’un des producteurs du jeu :

Assassin’s Creed Unity est un jeu grand public, pas une leçon d’histoire. C’est l’expérience d’ensemble qui prime. Le jeu propose par ailleurs une encyclopédie très complète.
On ne voulait pas mettre l’Histoire autant en avant que dans d’autres épisodes. Nous avons utilisé certains événements clés pour qu’Arno, le héros du jeu, en soit le témoin ou l’acteur, mais ce n’est pas sa révolution, ce n’est pas lui qui la fait, c’est plus subtil. L’histoire du jeu est avant tout une histoire d’amour et un dilemme cornélien. La Révolution n’est qu’une toile de fond.

Le Monde

Malgré cela, certains acteurs politiques en profitent pour faire couler de l’encre.

Le Leader du Parti de Gauche Jean-Luc Mélenchon s’insurge d’un tel jeu qui celui lui insulte les français :

Le dénigrement de la grande Révolution est une sale besogne pour instiller davantage de dégoût de soi et de déclinisme aux Français, expliquait-il jeudi au Figaro. Si l’on continue comme ça, il ne restera plus aucune identité commune possible aux Français à part la religion et la couleur de peau.
C’est de la propagande contre le peuple. Le peuple, c’est des barbares, des sauvages sanguinaires. Et celui qui est notre libérateur à un moment de la Révolution, Robespierre, est présenté comme un monstre. On dénigre pour dénigrer ce qui nous rassemble, nous les Français. C’est une relecture de l’histoire en faveur des perdants et pour discréditer la République une et indivisible.

Alexis Corbière, secrétaire national du Parti de Gauche a lui aussi partagé son avis, qu’il précise être un avertissement :

A tous ceux qui vont acheter Assassin’s Creed Unity, je leur souhaite un moment agréable, mais je leur dis aussi que le plaisir de jouer n’empêche pas de réfléchir. Jouer oui, mais ne vous laissez pas manipuler par ceux qui font de la propagande.

Avant d’ajouter à propos de la vidéo de la bande annonce du jeu (jointe ci-dessous) :

Elle reprend à son compte tous les poncifs contre-révolutionnaires forgés depuis plus deux siècles. Le peuple de Paris est présenté pour une cohorte brutale et sanguinaire, c’est lui qui produit la violence, toujours lui qui de façon aveugle fait couler le sang, notamment du bon roi débonnaire.
Un jeu vidéo peut être aussi le vecteur pour transmettre des idées et des valeurs culturelles. Dans la jeunesse il peut même sans doute être plus efficace que tous les cours d’histoire que propose l’Education nationale

Pour Alexis Corbière, Ubisoft ne fait que suivre un nouveau courant idéologique tentant de changer l’image de la Révolution Française en une « monstruosité », en un « bain de sang incompréhensible conduit par des brutes ».

M. Corbière, après avoir lu les nombreuses réactions que ses dires ont suscité, réagit sur son blog en écrivant :

Depuis que j’ai publié ce billet, je m’amuse des réactions qu’il suscite sur les réseaux sociaux. Je voudrais faire trois remarques.
Premièrement, ce que j’écris sur ce blog n’engage que moi.
Deuxièmement, j’ai bien sûr lu l’interview de M. Antoine Vimal de Monteil producteur associé du jeu qu’il a donné au Monde. Je ne fais aucun reproche d’anachronisme de la part des créateurs, ce serait pédant et inutile. Je sais bien qu’un jeu vidéo « n’est pas un cours d’histoire ».
C’est là mon point trois. En critiquant un jeu vidéo, et ses partis pris idéologiques, je ne méprise pas l’univers des « Gamers ». Au contraire, je leur rend toute leur noblesse. Les jeux vidéos sont des produits culturels comme les autres et à ce titre ils peuvent être critiqués. Sinon quoi ? On ne pourrait plus débattre dans ce pays ? Je refuse toute forme de totalitarisme intellectuel et réclame le droit de faire entendre une voix critique sur tous les aspects de notre existence. A chacun après de juger si la critique est pertinente. A bon entendeur…

Pour conclure, voici ce que Hervé Leuwers professeur d’histoire moderne à l’université Lille 3, spécialiste de la Révolution française, pense :

La réaction de Jean-Luc Mélenchon est celle de quelqu’un qui prend au sérieux la mémoire de la Révolution française, qui en comprend toute l’importance, car elle est une matrice de notre histoire présente. Nous vivons encore dans une République, où les débats actuels se nourrissent de ceux d’hier. Et puis, il y a une mémoire fantasmée, romancée, celle de personnages qui peuvent faire peur, comme dans le jeu vidéo, mais nous sommes là sur un plan totalement différent.
[…]
Il y a une certaine complaisance pour la violence dans les bandes-annonces, mais c’est commun à de nombreux jeux violents. Que ceux-ci soient historiques ou non, cela ne change pas grand-chose : le combat, l’élimination, le meurtre virtuel, sont des codes propres au jeu vidéo. Il se trouve qu’ils ont ici un visage et une histoire, mais il faut surtout les considérer comme des fictions.
Il reste qu’on peut se poser la question de l’influence que peut avoir ce genre d’œuvre sur une génération et sa perception de l’histoire. C’est peut-être ce que M. Mélenchon a voulu pointer. La question est à poser, comme c’est le cas avec le cinéma et la littérature.

Le Monde

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