Star Trek : Strange New Worlds – Épisode 4 : Interstellar

Quatrième épisode de la saison 1 de Star Trek Strange New Worlds. Et on continue sur la même lancée. Personnages bien écrits, l’épisode vole d’un genre à l’autre, amenant dans son univers science-fictionnel des éléments du film d’horreur, de sous-marins avec une évidente référence à Interstellar, mais surtout à Firefly et Serenity. Laissez-moi vous en dire plus !

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Star Trek : Strange New Worlds

Firefly & Serenity

Mais pourquoi est-ce que pour un épisode de Star Trek viens-je vous entreprendre au sujet d’une série du début des années 2000 qui aura été annulée après 14 épisodes et un téléfilm ? Et bien parce que c’est une série très poétique et toute en noblesse qui, hélas, bien que portée par Joss Whedon (capable du pire comme du meilleur) n’a pas eu le succès qu’elle méritait. Si aujourd’hui elle est bien connue des afficionados de science-fiction mais surtout de western, la plupart des gens un peu intéressés par Destiny doivent au moins en avoir entendu parler. En effet, au cast principal nous retrouvons Nathan Fillion, qui n’est nul autre que l’interprète de Cayde-6 dans le jeu de Bungie.

Dans la série, il incarne le capitaine Malcolm “Mal” Reynolds, un ancien soldat insurrectionniste vaincu lors de la guerre d’indépendance et qui désormais vit aux commandes du Serenity, un vieux vaisseau dont Cayde n’aurait pas renié l’état soit dit en passant.

Avec son équipage, il opère un constant jeu du chat et de la souris avec les autorités, vivant de contrebande et de contrats douteux dans un univers science-fictionnel qui ajoute les codes du western les plus emblématiques pour étoffer son propos. Dans Firefly, l’espace est le nouveau far-west !

Qu’il soit clair que je vous conseille véritablement cette série qui, si elle a pourtant vu le jour en 2002, soit il y a 20 ans (bordel…), elle n’a pas pris une ride et elle mérite d’être vue, de même que le téléfilm la concluant, Serenity. La bande son est incroyable, les effets spéciaux sérieux et le personnage de Nathan Fillion gagnera votre coeur si vous pensez aimer une version plus sombre de Cayde-6. Ouais… clairement, des séries comme celle-ci, on n’en fait plus.

Mais revenons au rapport que ça a avec ce quatrième épisode de Star Trek Strange New Worlds. Dans Firefly et Serenity, le bâtiment du capitaine Reynolds est un personnage à lui tout seul, avec ses caprices et sa personnalité, cela n’enlevant rien à l’indéfectible et déraisonné amour que lui porte son équipage. En fin du téléfilm, le personnage de Nathan Fillion prononce peu ou proue ces mots :

“Tu sais quel est l’atout majeur d’un pilote ? Le coeur. Si t’es hyper balèze techniquement mais que tu n’aimes pas le vaisseau sur lequel tu voles, il s’écrasera aussi sûrement que les planètes tournent. Si tu l’aime, il volera quand il devrait se crasher. Il te dira qu’il souffre avant de plonger. Il deviendra ton foyer.”

Ce quatrième épisode de SNW fait de même. L’Enterprise est ici un personnage important, bien davantage que dans les trois premiers épisodes et la foi quasi christique, l’amour et la confiance que lui porte son capitaine sont mis en lumière sur tout l’épisode. Le navire de Starfleet se retrouvera tour à tour pris dans une géante gazeuse, affrontera plusieurs bâtiments ennemis, plongera vers un trou noir avec une bombe à son bord… Tout le monde, la pilote Ortega en tête expliquant à Pike que jamais le navire ne sera capable d’endurer pareil traitement. Mais c’est comme si la seule foi et l’amour du capitaine en son navire permettait de dépasser les lois de la physique, tissant déjà là un premier lien avec Interstellar, bien plus subtil que la représentation très similaire du trou noir dans cet épisode.

En effet, dans Interstellar, le Dr Brand, jouée par Anne Hathaway explique qu’il y a une force qui transcende le temps comme l’espace et que cette force doit parfois être pris en compte car pouvant déjouer les probabilités. Cette force c’est celle de l’amour. Alors je sais. Ça paraît bien niais dit comme ça, mais la théorie avancée par Brand est réelle et en plus il s’avèrera qu’elle avait raison, ce propos suivant tout le film en filigrane.

Dans ce quatrième épisode, l’Enterprise souffre, il est poussé à bout et parce qu’on croit en lui il en ressort. Pas indemne mais bel et bien majestueux, céleste.

Histoire, développement et mélange des genres

Pour bien vous parler du mélange des genres, je dois rentrer dans la trame narrative de l’épisode. L’Enterprise se rend donc sur une colonie afin de délivrer un processeur atmosphérique. Une mission de routine tout ce qu’il y a de plus ordinaire, se déroulant qui plus est lors du Jour du Souvenir.

[box type=”info” align=”aligncenter” class=”” width=””]Dans Star Trek, le Jour du Souvenir est un jour où l’équipage se recueille sur ses pertes, afin de ne pas oublier ce qu’il en coute d’explorer l’espace et ses dangers, mais aussi pourquoi les sacrifices effectués ne doivent jamais rester vain et que les survivants doivent continuer, fut-ce uniquement pour honorer ceux tombés auparavant.
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Sauf que, sans surprise, les choses tournent au vinaigre en arrivant à destination. La colonie ne répond pas et une équipe au sol est déployée, comprenant la cheffe de la sécurité La’an Noonien Singh qui sera au coeur de cet épisode.

Sur la planète, l’équipe arpente les ruines en feu de la colonie, plongeant dans l’horreur en quelques secondes avec par exemple un jump scare impliquant un chien, puis en montrant ce qui semble être les restes d’un charnier particulièrement sanglant, sans pour autant qu’il reste des corps, seulement une impressionnante quantité de sang.

On appréciera le choix de ne pas se restreindre sur ce genre de choses, contribuant à ne pas faire de la série quelque chose de trop lisse et trop propre qui nuirait à sa cohérence. En orbite, un vaisseau est repéré et il s’agit de survivants de la colonie qui sont soulagés de voir un navire de Starfleet, se croyant sauvés. Ils ne pourront cependant pas faire beaucoup plus la lumière sur ce qu’il s’est déroulé à terre, leurs souvenirs étant assez flous. Une enfant se souvient en revanche d’un bruit, semblable à un claquement de langue. Quand La’an entend ça, elle est ramenée des années en arrières dans un flashback traumatique : elle a été la prisonnière des Gorn, une espèce développée et non membre de la Fédération qui fait figure de croquemitaine des étoiles, considérant les espèces à sang chaud inférieures et en faisant leur source de nourriture.

Elle prévient aussitôt la passerelle, mais c’est trop tard, le vaisseau, raccordé par cordon d’amarrage à celui des réfugiés et ne peut lever ses boucliers. Ils subissent les tirs d’un petit vaisseau Gorn de plein fouet avant de pouvoir à nouveau se déplacer. Refusant le combat car n’étant plus en état de le remporté, l’Enterprise fonce vers la naine brune afin de se camoufler dans ses couches de gaz, mais si cela masque les instruments Gorn, il en sera de même pour ceux du navire de Starfleet qui a déjà subit de lourds dégâts et doit couper certains systèmes pour réduire sa puissance au minimum.

À ce moment, l’épisode bascule dans un genre particulier, celui du film de guerre sous-marine. Tous les membres de l’équipage savent qu’un vaisseau Gorn est à leur poursuite dans les strates gazeuses de la naine brune, mais sans instruments, ils ne savent où il est. Le commandement se concerte, et on voit une opposition nette de La’an à Pike, par ailleurs bien marqué par un plan précis où ils sont séparés dans la salle de réunion avec le logo de Starfleet lui-même scindé en deux pour bien marquer la scission des personnages dans leurs avis. Pike rappel également le devoir de La’an d’être une source d’espoir et non l’inverse pour ses subordonnés. Agissant presque comme une machine par pur pragmatisme, elle lui répond qu’elle intégrera ce paramètre dans sa ligne de conduite.

En parallèle, dans la cale du navire se trouve le processeur atmosphérique qui a subit des dégâts. L’ingénieur Hemmer et la cadette Uhura alors en stage avec lui, sont les seuls à pouvoir empêcher sa surchauffe qui déboucherait sur une explosion nucléaire. Mais Hemmer ayant une main cassée, ils doivent faire équipe pour stabiliser le processeur, Uhura suivant les instructions de Hemmer pour opérer sur le processeur. Enfin, avec ses niveaux d’énergie au minimum, l’infirmerie ne peut se servir des synthétiseurs et son matériel est donc dangereusement limité.

Idée est alors donnée de transformer un des instruments de l’Enterprise afin qu’il détecte les déplacements de gaz anormaux dans la naine brune, permettant ainsi de localiser passivement sans être eux-mêmes repéré leur ennemi. Il y a même le bruit d’un sonar pour instaurer une tension classique dans ce genre de film, le bruit ayant un effet de stress psychologique cumulé à la tension visuelle de la scène.

Avec une seule et unique torpille à photon impossible à autoguider dans la naine brune, Pike choisit de venir à bout portant du vaisseau Gorn pour lui éjecter sa torpille directement dessus. Un plan couronné de succès dont la joie est immédiatement ternie par l’arrivée de deux autres vaisseaux et d’un croiseur Gorn, bien plus gros que l’Enterprise, ayant localisé l’explosion de la torpille de ce dernier.

À ce stade, je tiens à souligner le soin tout particulier dont les vaisseaux ennemis ont fait l’objet avec évidence dans leur direction artistique. Les formes sont torturées, mais l’esthétique est vraiment unique et propre, tout comme l’idée de faire communiquer les Gorn par signaux de lumière plutôt que par ondes radios classiques.

Désespéré, Pike choisit de faire plonger le navire dans la naine brune, poursuivi par un des deux chasseurs Gorn accompagnant le croiseur. Si l’Enterprise encaisse la pression écrasante avec endurance et stoïcisme, le chasseur lui, se fera broyer, offrant du répit à l’équipage de Starfleet. Là encore, l’idée de plonger plus profondément que ce que l’ennemi peut supporter est une manoeuvre classique du film de sous-marin.

La manoeuvre n’est pas sans conséquences, les ponts les plus proches de la coque étant sévèrement endommagé et la pression causant la mort d’un membre de l’équipage, ce qui laisse le capitaine Pike particulièrement furieux malgré le pragmatisme de Spock qui lui indique que c’était le choix logique. Néanmoins, Pike a su tirer un enseignement de ce que La’an lui a apprit des Gorn : ils sont sans pitié et ne renoncent jamais. C’est ce qui les a poussé à suivre l’Enterprise dans un milieu où leur propre appareil ne pouvait tenir la cadence, causant leur perte.

À nouveau caché, à nouveau un problème. La naine brune orbite d’un trou noir qui la dépouille de ses strates gazeuses à grande vitesse, à un point où bientôt l’Enterprise ne pourra plus s’y camoufler. Pour receuillir des informations, Spock et La’an prennent une navette afin de sortir de la naine brune et voir ce qu’il se passe du côté des Gorn. La navette, plus petite, ne sera en effet pas repérée.

Au cours de cette escapade, voyant les Gorn communiquer par flash lumineux, cela renvoie La’an a ses souvenirs, qui demande d’elle-même à Spock de lui faire une fusion mentale vulcaine afin de revivre une partie de son passé et d’y trouver peut-être des informations. Malgré le traumatisme, La’an parvient à supporter la chose et à en tirer des infos qui permettent de jouer sur les tensions et la loi du plus fort régnant chez leurs ennemis afin que le croiseur abatte son dernier chasseur. Désormais, c’est du un contre un pour l’Enterprise.

En désespoir de cause et jouant sur les lois de la physique et de l’optique à l’approche du trou noir, le capitaine Pike ordonne de plonger dans son disque d’accrétion (la matière capturée par la gravité du trou noir qui tourne sur l’équateur de la singularité avant de passer l’horizon des événements). Le plan : lâcher le processeur atmosphérique au bord de l’explosion pour que les Gorn pensent que l’Enterprise a été détruit par la manoeuvre et utiliser la dilatation du temps liée à la distance entre les deux vaisseaux par rapport à la singularité afin de faire croire que le navire de Starfleet a été détruit.

C’est évidemment une réussite et l’Enterprise émerge du disque en piteux état mais toujours fier et noble, monolithique même. Il a subit l’épreuve du feu dans tous les sens du terme et l’a surmontée. Il est temps désormais de pleurer les morts et de rentrer dans un spatiodock.

Et fin ! L’épisode, générique compris, a beau ne faire “que” 53 minutes, il n’en demeure pas moins extrêmement dense en péripétie, montrant encore une fois du véritable Star Trek : l’Enterprise n’a pas triomphé parce qu’il était le fleuron technologique de Starfleet et de la fédération, mais parce que le travail en commun, l’intelligence et le surpassement de soi-même ont permit de surmonter un problème important.

Un message dans tout ça ?

Si le point principal est le développement des personnages, particulièrement de La’an d’un côté, et de Uhura et Hemmer de l’autre tout en voyant Pike gérer la situation comme il peut plus que comme il veut, l’épisode quatre nous enseigne surtout par le personnage de La’an certaines choses.

La première, c’est que refuser le passé ne mène à rien, aussi traumatique qu’il soit. Au début de l’épisode réticente aux conseils de Una qui lui recommandait une aide d’un professionnelle, La’an lui rétorque sèchement qu’elle va bien et qu’elle n’a pas besoin que quelqu’un rentre dans sa tête pour la réparer puisqu’elle n’est pas cassée. On a aussi ici un foreshadowing de la fusion mentale de Spock avec elle plus tard dans l’épisode.

La seconde tient dans son opposition au capitaine Pike. En effet, Starfleet dit que “comprendre son ennemi c’est saisir l’occasion d’en faire un ami plus tard“, philosophie que La’an, traumatisée par les Gorn, ne partage aucunement. Si elle ne change pas d’avis, c’est Pike qui, avec sa manoeuvre de plonger dans la naine brune lui prouve au contraire que comprendre son ennemi, c’est, sinon pouvoir en faire son ami, au moins pouvoir le défaire. Le message dans cette idée est de ne pas s’arrêter aux préjugés et aux idées reçues mais de véritablement chercher à comprendre ce qui nous menace.

Enfin, dans la relation Hemmer-Uhura, nous retrouvons également cette idée, Hemmer étant au départ très critique sur Uhura à cause de ses idées reçus quant aux cadets par rapport à sa spécialité : l’ingénierie. Forcé de collaborer avec elle, il opérera un travail de remise en question de ses idées préconçues et admettra ses torts. Il échangera également avec Uhura quant à leurs buts respectifs dans leurs vies et la façon de voir cette dernière selon les cultures de chacun.

Voilà donc pour cet épisode quatre de Star Trek : Strange New Worlds, toujours aussi bon. Toujours aussi savoureux !

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